Des versets coraniques sur un corps nu, quelle horreur!!


Une image montrant le corps nu d’un artiste sur lequel des versets coraniques sont projetés grâce à un jeu de lumière a suscité une polémique à quelques jours d’une foire d’art à Marrakech, au sud du Maroc. C’est l’artiste franco-marocain, Mehdi Georges Lahlou, qui est l’auteur du cliché à l’origine du scandale dont la presse marocaine s’est largement fait l’écho à quelques jours de l’ouverture de la Marrakech Art Fair, la plus importante foire d’art contemporain du Maroc. 


Si, en Europe,  le débat sur les limites de la liberté de la création artistique semble avoir été tranché, du triple point de vue religieux, moral et esthétique, tout au long du XXème siècle, il n’en va pas de même dans le monde arabo-musulman où l’interdit religieux pèse encore comme une chape de plomb sur toutes les productions intellectuelles, de quelque nature qu’elles soient, l’art n’étant ici que l’épiphanie d’un phénomène plus généralisé. 


Fouad Bellamine, un autre plasticien marocain, avait également connu, en 2010, lors d’une exposition  au Musée San Pedro museo de Arte de la ville de Puebla au Mexique, la réprobation du public musulman. L’œuvre en cause : un photomontage, inspiré de l’Origine du monde de Courbet, où l’on voit (l’on ne voit pas plutôt), caché derrière un dôme, le sexe d’une femme. 


L’issue du débat, si tant est que la controverse actuelle laisse place à un débat digne de ce nom, nous éclairera à plus d’un titre sur la nature du printemps arabe que d’aucuns croient qu’il est l’expression de profondes mutations intervenues  depuis quelques années dans les sociétés arabes et qu’il serait de ce fait, laïcisant.  Que nenni !  Aux dernières nouvelles, l’œuvre de Mehdi Georges Lahlou, faisant l’objet du scandale, n’a pas été retenue, mais il y a quand même dans toute cette histoire un point positif. L’artiste n’a pas (encore) été assassiné. Pas encore.

Le Contre-Salon du livre d'Alger





En 1863 se tenait pour la première fois, en marge de l’exposition universelle, le salon des refusés au Palais de l'Industrie à Paris. Cette contre-manifestation se proposait d’accueillir toutes les œuvres qui n’ont pas été retenues par le jury  du salon officiel, autorité garante de l’art bourgeois, dont l’archaïsme esthétique ne manqua pas d’exclure, cette année-là, plus de 3000 œuvres sur les cinq mille envoyées. Parmi les œuvres ne faisant pas honneur au « grand Art », selon la formule consacrée, figurait des toiles comme le déjeuner sur l’herbe de Manet ou  L’atelier de Courbet. Voilà, pour la petite histoire.

C’est ainsi que m’est venu l’idée, non sans un certain goût du  scandale et de l’interdit, de consacrer sur Tel Quel un billet à quelques titres parmi les 400 refusés au dernier salon international du livre qui se tient, du 21 septembre au 1er octobre, au complexe olympique Mohamed Boudiaf, à Alger. Le luxe de l’exhaustivité ne m’étant pas permis vu le nombre de livres censurés, je tâcherai de n’en retenir que les plus subversifs et les plus sulfureux ( eh oui à chacun ses critères de sélection). 

Je déclare solennellement le stand des refusés du Salon International du Livre d’Alger ouvert. Si, vous avez des titres à me proposer, chers telqueliens, n’hésitez pas à me les soumettre. 

Rappelons que la censure, lors de cette 16ème édition du SILA, a enregistré une nette baisse par rapport à 2010 où pas moins de 1000 livres ont été refusés.  

Peut-on vivre sans Facebook?






Il y a à peu près 3 mois de cela, en vue de réussir ma cavale (C.f je reviens, plus clandestin que jamais),  j’ai décidé de quitter, sans option de retour, mon compte sur le réseau social facebook. Bien des gens, aimables et soucieux ; m’ont interrogé depuis sur les raisons de mon départ inexpliqué: "Tu n’es plus sur facebook ?" Pourquoi ? Bien sûr, un "ce n’est pas ton affaire" aurait été mieux à propos, je vous l’accorde, mais contrairement à vous, étant poli, j’ai toujours répondu par un sage et sentencieux "On peut vivre sans, tu sais" 

Ne pas me croire sur parole ? Je ne demande pas mieux, chers telqueliens, mon propos, dans ce billet est justement de vous faire la démonstration, par a plus b, qu’on peut vivre sans facebook: 


Prenons un utilisateur de facebook, et un autre qui n’en est pas. Mettons les côte à côte au pied d’un mur quelconque. Avec un pistolet automatique, muni d’un silencieux à son extrémité afin de ne pas déranger les passants si passants il y a, tirons, pour les besoins de l’expérience, à bout portant sur le premier. Que se passe-t-il ? Eh bien, il s’affale, dans un premier temps, agonise un bout, puis meurs, tragiquement, le blase noyé dans une marre de sang. Au même moment, observons attentivement notre second spécimen et tâtons-lui le pouls. Que constatons-nous ? Son cœur battant toujours, nous sommes en droit de conclure que l’individu qui ne possède pas un compte facebook n’est pas mort, c’est-à-dire qu’il est resté en vie au terme de notre expérience.     


Comme vous venez de le relever, chers telqueliens, preuve est faite qu’on peut très bien vivre sans facebook, alors qu’on peut mourir qui plus est tragiquement quand on y est inscrit.  



Désormais, vous pouvez également consulter mes billets sur le journal électronique Agoravox. (pour lire mon dernier article en date cliquez ICI

Demande d'adhésion de la Palestine à l'ONU, l'autre 11 septembre.





Le président palestinien Mahmoud Abbas a affirmé hier, dans un discours télévisé, qu'il présenterait la demande d'adhésion d'un Etat de Palestine à l'ONU pour qu'elle soit soumise au Conseil de sécurité, signifiant, de ce fait, son refus de céder aux pressions de Washington qui a multiplié, depuis l’annonce par l’autorité palestinienne de sa volonté d’intégrer l’assemblée onusienne en tant qu’état membre, les déclarations hostiles à ce projet. 

Bien que cette démarche n’ait aucune chance d’aboutir, les États-Unis, membre permanent au conseil de sécurité, ayant affirmé à maintes reprises leur intention d’y opposer leur veto, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle présenterait, si elle devait être menée à son terme, à tout le moins, un intérêt : 

Celui de mettre à nu la vacuité des vœux émis par le président Obama lors de son fameux discours prononcé à l’université d’Al Azhar, au Caire,  en Juin 2009, où il assurait que « L'Amérique ne tournera pas le dos à l'aspiration légitime du peuple palestinien à la dignité, aux chances de réussir et à un État à lui » et de préciser que « la seule résolution consiste à répondre aux aspirations des uns et des autres en créant deux États, où Israéliens et Palestiniens vivront chacun dans la paix et la sécurité. C'est dans l'intérêt d'Israël, dans l'intérêt de la Palestine, dans l'intérêt de l'Amérique, dans l'intérêt du monde. C'est pourquoi je compte personnellement poursuivre un tel aboutissement avec toute la patience et le dévouement qu'exige cette tâche." Fichaises !! 

Un niet de la part des américains au conseil de sécurité entérinerait une volte-face opérée dès le mois de février quand l'administration Obama a mis son veto pour empêcher que le Conseil de sécurité de l'ONU ne vote une résolution réclamant une condamnation de la colonisation israélienne. 

Enfin, qu’on me permette une comparaison qui, à mon avis, fait sens dans la mesure où, Ben Laden,  par les attentats du 11 septembre, sommait, d’une manière ou d’une autre, les États-Unis d’assumer de facto 60 ans de politique étrangère pro-israélienne,  cette requête fonctionnerait, toutes proportions gardées, comme un autre 11 septembre  :  Par cette manœuvre diplomatique les palestiniens forcent de la plus belle manière les États-Unis à reconnaitre ouvertement leur implication dans le conflit non pas en tant que médiateur mais en tant que belligérant à part entière. 

Rappelons qu’à ce jour, l'État de Palestine revendiqué par la déclaration d'Alger est reconnu par 117 pays membres de l'ONU sur 192, et que son statut à l'ONU se situe entre celui d’«observateur» et celui de «membre», mais sans droit de vote.

Je reviens, plus clandestin que jamais


Toute une armée me marque malignement, tout près, tout près, à la culotte pour ainsi dire, depuis le mois de Juin, date à laquelle j’ai délaissé le blog, pour employer tout mon génie, il faut voir comme, à tromper sa vigilance. Mais s’il est notoire que le militaire est à l’intelligence ce qu’est le milligramme au poids ou le millilitre au volume, c’est-à-dire sa plus petite unité, il n’en va pas de même de sa vigilance. Sous la menace constante d’une rafle imminente, je cours donc à toutes jambes, depuis 4 mois,  désemparé, paniqué, catastrophé, en biais, en zigzag, mais jamais droit, jamais droit, mille et un soldats, alignés derrière, infatigables et résolus, me mettent en joue, fixement, jour et nuit, payés à ne rien foutre que ça, c’est-à-dire m’emmerder énormément, mission de première importance dont l’heureux accomplissement, on l’eût juré, aurait immanquablement remis la nation sur le chemin de la félicité. 


Mais voilà, c’en est pas encore fait de moi, cinq mois de tracas conscriptionnels, sommations, mises en demeure, intimidation, harcèlement moral, traque physique, j’ai eu droit à tout, ma détermination à me soustraire au service militaire est restée cependant intacte. De planque et en planque et d’un trou l’autre, je ressurgis, donc, miraculé de l’inquisition institutionnalisée, au devant de la scène, avec ce quoi je n’ai toujours pas réussi à semer, la horde soldatesque au cul. Pfoui !


Et pendant que l’institution militaire s’affaire frénétiquement  à me mettre la patte dessus, les Nezzar, les Amari, et autres génocidaires du petit peuple, coulent des jours heureux dans leurs luxueuses résidences  à club de pins, où, je devine, au devant du portique, de jeunes appelés, honnêtes citoyens, monter la garde sur eux.

L'écorché vif sera adapté en B.D



L’écorché vif, ma première nouvelle, écrite il y a deux années de cela et publiée par épisode sur facebook, sera adaptée prochainement en bande dessinée afin d’être présentée au Festival International de la Bande dessinée  qui se tiendra du  5 au 8 Octobre 2011 à Alger. 

Le dessinateur qui sera en charge de mener à bien ce projet, et que j’ai eu l’heur de rencontrer au cours de mes pérégrinations cafetériales, si je puis dire,  est un talentueux bozariste au nom de Lamine H. Il est artiste-peintre à l’origine et l’adaptation de l’écorché vif sera sa première expérience bédéiste. 

Je me serais fait un plaisir de republier le texte en intégralité sur Tel Quel si,  pris par je ne sais quel orgueil, je ne le trouvais à présent mal écrit. Il n’empêche toutefois que l’histoire reste, à mon sens, très prenante et parfaitement adaptée aux exigences de la bande dessinée qui, j’en suis persuadé, sera à même de polir les rugosités et autres  maladresses relevées dans le manuscrit. Aussi, ai-je trouvé l’idée de cartooniser l’écorché vif très intéressante. 

Je mettrai à votre disposition des croquis dès que j’aurai un peu de temps. Mais laissons à présent la parole à cet écorché vif, réformé de guerre, personnage mystérieux et marginal, révolté, pacifiste acharné et loup solitaire dont la paranoïa propre à tout homme qui souffre ne manqua pas de précipiter la chute.  

« Dans la rue. C’est dans la rue que je descends le soir pour me changer les idées. Je vis seul dans un studio en plein centre d’Alger, et il n’est pas rare que je me sente étouffé dans ce 20 mètres carrés chichement meublé. Un lit de camps juste au-dessous de la fenêtre, et un guéridon en acajou, planté là, sans vergogne, comme une verge, au beau milieu de la piaule. Et puis c’est tout. Ce n’est même pas suffisant pour meubler correctement la cellule d’un prisonnier, je sais, mais, à proprement parler, je n’ai jamais fait attention à ma misère mobilière avant que je n’en prenne acte présentement, c'est-à-dire en rédigeant ce manuscrit. Faute d’amusettes domestiques, la rue est donc ma seule distraction, et, la nuit venue, je m’en vais, au gré des trottoirs, à la rencontre de noctambules à la dérive. »

« …Cette Hassiba, au nom de qui la rue a été baptisée était, parait-il, une poseuse de bombe pendant la bataille d’Alger. Je me demande bien combien de jeune homme à la fleur de l’âge, comme moi, avait-elle défiguré, cette salope, avec ses sordides pétards. 20 ? 30 ? 100 ? 1000 peut-être. Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr c’est que plus elle en aurait amoché, des gueules, et plus on aurait hissé son nom dans les firmaments héroïques de notre belle et glorieuse légende nationale. Mais là, ce n’est qu’une rue, parce que je pense à l’émir Abdelkader, qui a toute une statue à son effigie, un colosse, grand comme ça, il avait dû péter des gueules et des gueules à lui seul pour qu’on ait érigé en son honneur un truc aussi grandiose. »

Je n'oublierai jamais les morts du mois de Mai







Vous auriez pu vivre encore un peu
Ne pas m'imposer d'écrire ces vers
Vous qui saviez bien mes amis si chers
A quel point souvent je suis paresseux


vous auriez pu vivre encore un peu 

J.F

Les manuscrits de Robespierre valent bien ceux de Gadhafi


Des manuscrits inédits de Robespierre sont mis en vente aux enchères mercredi à Paris, un évènement très attendu qui suscite convoitises et craintes de les voir partir à l’étranger, ce qui priverait la France d’un précieux patrimoine, A rapporté l’AFP dans une dépêche datée du 18 Mai (aujourd’hui, ndmm). 

La valeur de ces papiers noircis au plus fort de la terreur (entre 1792 et 1794) de la main impitoyable de celui qui causa la perte de quelques dizaines de milliers de français serait estimée à 250 000 euros. Des torche-culs que la double dynamique de l’histoire et du capitalisme aura immanquablement transmués en un inestimable trésor. L’écrivain tchèque, Milan Kundera, mène une réflexion sur le problème (ironie du sort il a pris l’exemple de Robespierre), dans son roman l’insoutenable légèreté de l’être :  

‘Si la révolution française devait éternellement se répéter, l’historiographie française serait moins fière de Robespierre. Mais comme elle parle d’une chose qui ne reviendra pas, les années sanglantes ne sont plus que des mots, des théories, des discussions, elles sont plus légères qu’un duvet, elles ne font pas peur. Il y a une infinie différence entre un Robespierre qui n’est apparu qu’une seule fois dans l’histoire et une Robespierre qui reviendrait éternellement couper la tête aux français.’

Robespierre tout bourreau qu’il fut serait donc unique, et pardonnable pour ainsi dire, à cause l’irréversibilité de l’histoire. Même si l’on sait le sort qui lui a été réservé par ses contemporains. 

Quid des Saddam, Gadhafi et autre Al Assad ? Jouiront-ils de la même aura dans 200 ans?

Aux dernières nouvelles, l’état français souhaiterait exercer son droit de préemption sur les manuscrits en vue de leur   l’acquisition lors de la vente. Attitude pour le moins étrange, si l’on songe à l’expédition punitive que mène actuellement le gouvernement français contre le régime du colonel Gadhafi dont les manuscrits valent bien ceux de Robespierre. Ce n’est qu’une question de temps. 

Je suis dans un abandon car écrire m'a occupé.

Dominique Strauss-Kahn, FMI: Sodomie à tous les étages!!





Le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) et candidat aux primaires socialistes, Dominique Strauss-Kahn, a été inculpé dimanche d'agression sexuelle et de tentative de viol, quelques heures après son arrestation à l'aéroport JFK de New York. 

DSK, qui est accrédité de 26 % des intentions de vote pour les présidentielles selon un sondage Ifop réalisé la semaine dernière pour le Journal du Dimanche, aurait agressé une femme de chambre travaillant pour la chaine hôtelière Sofitel alors qu’il sortait nu de la salle de bain. 

Pour ménager la susceptibilité des algériennes et des algériens qui, on le sait, sont si chastes   qu’ils feraient des enfants sans baiser, je tairai les détails croustillants de l’affaire (il parait qu’il y a eu fellation forcée). 

Bien sûr, il faut respecter la présomption d’innocence puisqu’à l’heure où j’écris ce billet DSK n’a pas  encore été reconnu coupable par la justice pas plus que Ben Laden qui n’a pas eu droit à un procès et qui, de ce fait, est et restera à tout jamais innocent, mais, il y aurait dans cette agression sexuelle une forte charge symbolique, si jamais les accusations portées contre lui se révèlent justes : 

Le patron du FMI, institution internationale qui violente impunément les pays pauvres, ne fait que reproduire par un mimétisme comportementale ce que l’organisation dont il est du coup le digne représentent s’est toujours permis sur le plan international: L’enculage sous la contrainte des nations fragiles économiquement qui tiendraient bien dans cette histoire le rôle de la femme de chambre. 

A ce détail près qu’il n’y a nul tribunal pour leur rendre justice…

Je fais mon entrée dans la plus grande bibliothèque numérique d'Algérie



A l’heure où, l’écrivain tchèque, Milan Kundera fait son entrée dans la prestigieuse collection bibliothèque de la Pléiade, moi, Nazim Baya fais la mienne également, plus discrète, dans la plus grande bibliothèque numérique d’Algérie. Que les kunderiens et kunderiennes n’aillent pas crier au scandale, la comparaison entre Kundera et moi tient uniquement au fait que nous entrons l’un et l’autre quelque part et ne va pas au-delà. J’aurais pu dans ce sens dire ‘à l’heure où Lady Gaga fait son entrée dans le top ten avec sa nouvelle chanson "Born This Way" je fais également la mienne etc…  Ce qui n’aurait pas été moins insultant, pour ma personne cette fois. 

Embarqués, ma première nouvelle je dirai si je ne veux pas nuire à ma réputation qui est encore à construire*, a été retenue par le jury de la plus grande bibliothèque numérique d’Algérie. Par souci d’honnêteté morale, j’ajouterai cependant que la grandeur superlative de la bibliothèque fait partie intégrante de son nom et n’en constitue pas par conséquent un attribut légitime. Je m’explique : Qui est plus vert entre un alligator et Yasmina Khadra ? L’alligator, assurément. Parce que, vert est un attribut crocodilien, alors que Khadra est le nom de Yasmina sans pour autant qu’il le soit vraiment. Maintenant que nous tenons pour acquise la verté du crocodile, passons aux choses sérieuses : Un crocodile est-il plus vert que large ? 

La réponse est oui, et je vais vous faire la démonstration : Mettons un croco C dont la longueur et la largeur correspondent respectivement à X et Y cm. Il ne fait aucun doute que le croco C est vert et sur la longueur et sur la largeur, tandis qu’il n’est large que sur la largeur. On en déduit qu’un crocodile est toujours plus vert que large et c’est CQFD. 

Ca démontre aussi que j’ai toujours autant de mal à promouvoir mon travail…..  

* Avant les ‘Embarqués’, j’ai écrit une nouvelle que, pour des raisons qui sont les miennes, je désavoue à présent.    

TOUTE L'HISTOIRE D'ISRAËL SUR UNE SEULE PAGE


 Ça commence comme un roman de Kafka. Un matin, sans que vous ayez jamais rien fait, on tape à votre porte. C'est un type qui affirme avoir habité dans votre appartement à l'époque où l'immeuble n'était même pas construit. Il vous explique que le propriétaire le lui avait promis et que la mairie lui a donné l'autorisation d'y "retourner". Vous lui dites qu'il n'en est pas question, mais il s'est déjà installé dans la chambre d'amis. Le lendemain vous appelez votre voisin de palier pour qu'il vous aide à l'expulser, mais votre "hôte", qui s'est servi dans le Frigidaire et a mis les pieds sous la table, se défend. Bientôt, ses cousins, neveux, oncles et tantes arrivent à leur tour et occupent toutes les chambres. Votre femme et vos enfants sont obligés de quitter l'appartement et de se réfugier plus loin dans le quartier. Mal à l'aise à cause de tous les voisins qui vous soutiennent (même si l'un d'eux en a profité pour vous piquer votre garage) votre hôte, grâce à la concierge qui lui est toute acquise, s'empare de tout le reste de l'immeuble, de la cave au grenier, afin de se sentir davantage en sécurité. Comme vous vous fâchez, votre hôte, qui est plus fort que vous, vous enferme dans les WC, sans vous donner à manger et sans jamais vous laisser sortir. Il vous hurle à travers la porte que le Syndic est d'accord. Au bout d'un moment, vous êtes tellement en colère que vous mettez le feu aux toilettes. Les pompiers viennent éteindre l'incendie qui a ravagé une partie de l'appartement et où des membres de la famille de votre hôte ont péri aussi. Quand les pompiers sortent sur une civière votre corps carbonisé, votre hôte crache dessus en vous traitant de "terroriste".
Marc-Edouard Nabe le 27 mai 2004, in J'enfonce le clou
Toute annotation serait superflue.  

Mort de Ben Laden : Tous conspirationnistes ? Non, tous citoyens !


Oussama Ben Laden était le fondateur d'Al Qaïda, une organisation terroriste à laquelle fut attribuée la réalisation des attentats du 11 septembre 2001. Depuis 2002, la Qaïda n'était plus opérationnelle, selon Alain Chouetchef du service de sécurité de la DGSE de 2000 à 2002, et Ben Laden avait disparu. Durant près d'une décennie, des apparitions vidéo et audio suggérèrent, sans absolument convaincre, qu'il était encore vivant. Pendant ce temps, les Etats-Unis menèrent leur "guerre contre le terrorisme" en délaissant la traque de Ben Laden. Soutenu dans les années 1980 par les Américains dans son combat contre les Soviétiques en Afghanistan, Ben Laden continua jusqu'en 2001 à être utilisé - indirectement - par les Etats-Unis pour des opérations de déstabilisation en Asie centrale. Suite au 11-Septembre, les Américains - en quête d'un nouvel ennemi depuis la fin de la Guerre froide - gonflèrent la menace d'Al Qaïda, selonRichard Labévière, afin de justifier le plus grand redéploiement militaire depuis la Seconde Guerre mondiale dans des zones stratégiques du Moyen-Orient.
Le 2 mai 2011, Barack Obama annonce la mort d'Oussama Ben Laden à Abbottabad au Pakistan, lors d'un raid, la veille, des Neavy Seals. On ne tarde pas à nous apprendre que "l'ennemi public numéro un", pourtant inactif depuis une décennie, préparait des attentats aux Etats-Unis pour le dixième anniversaire du 11-Septembre. L'extrême confusion de la communication américaine sur le déroulement de l'assaut contre Ben Laden, comme l'annonce de l'immersion rapide de son corps dans la mer, prolongée par celle qu'aucune photo du cadavre ne serait diffusée, ont nourri un fort sentiment de défiance dans l'opinion publique, qui a pu s'exprimer massivement sur Internet. La plupart de nos médias ont immédiatement diagnostiqué une épidémie de conspirationnite aiguë. Tout occupés à jouer les médecins de l'âme, ils en ont parfois oublié de jouer les journalistes, omettant même de poser sur Ben Laden une question essentielle...
La chasse aux "complotistes" est donc lancée dans les médias, comme le remarquait très pertinemment Hicham Hamza dès le 3 mai : quiconque ose publiquement se poser des questions sur l'assassinat annoncéd'Oussama Ben Laden par les forces spéciales américaines est désormais qualifié de "théoricien du complot". Véronique Sanson en a fait les frais, en affichant ses doutes sur le plateau du Grand Journal, l'un des centres les plus réputés de l'Inquisition médiatique. Tariq Ramadan a également eu le mauvais goût de se questionner sur i>Télé devant Jean-Charles Brisard. Ce sont là des choses qui ne se font pas. La sanction fut immédiate...
Mais, à leur suite, ce sont tous les internautes qui ont osé émettre le moindre soupçon qui ont subi le même sort (ils 
commencent à en avoir l'habitude, remarquez...). Les médias, comme un seul homme, y sont allés de leur ironie habituelle et méprisante. Si quelques analyses remontent parfois le niveau (le journaliste Bruno Fay, auteur de Complocratie, est régulièrement convoqué), on en reste le plus souvent au stade de la moquerie, dans des articles qui semblent avoir tous été fabriqués dans le même moule, le même prêt-à-penser. Petit florilège :
Le paradoxe, dans ces tentatives d'analyses du soi-disant phénomène "conspirationniste", c'est que, sitous nos médias le raillent et le condamnent, ils le justifient aussi bien souvent, en invoquant plusieurs facteurs : 1° de vrais complots ont bel et bien existé ; 2° les politiques mentent (trop) souvent ; et 3° la circulation de plus en plus rapide des informations (notamment avec Internet) empêche les médias de toutes les vérifier et de les creuser. Autant de facteurs qui créent un doute légitime chez les citoyens.
Ainsi, Régis Soubrouillard, dans Marianne 2, cite l’anthropologue Georges Marcus, selon lequel "plusieurs décennies de mauvaises habitudes gouvernementales et le climat paranoïaque rendent aujourd’hui « raisonnable » une lecture conspirationniste du monde". Selon Soubrouillard, "c’est toute la perversité du système. La théorie du complot trouve son assise sur l’existence de complots réels, fomentés dans le plus grand secret des 
opinions publiques. Dès lors, le complot devient la vérité rationnelle." Les gouvernements seraient donc en partie responsables du mal qu'ils dénoncent... mais aussi les médias, comme le dit bien Bruno Fay au Nouvel Obs :
"C'est toute cette société de désinformation et de mal information, d'où qu'elle vienne, des milieux privés, politiques, médiatiques, qui nourrit cette crise de confiance. C'est le problème de notre époque, dans laquelle l'information circule rapidement et où les médias n'ont plus le temps de vérifier et de creuser. Cela laisse la place à toutes les interprétations, d'autant plus que le temps de la justice ne correspond plus au temps de l'information. Impatients, les citoyens vont donc chercher la vérité ailleurs. On est tous un peu "conspirationniste" dans un sens. [...] Les seuls qui pourraient corriger le tir, outre les médias, ce sont les autorités politiques, économiques et spirituelles qui doivent éviter de prêter le flanc à des interprétations multiples en dissimulant des vérités, voire en manipulant les faits."
Tous conspirationnistes ? Nontous citoyens !
Si les médias se moquent des "Sherlock Holmes du Web" (ou "Sherlock 2.0") que nous sommes, c'est peut-être pour ne pas se remettre eux-mêmes en question (ce qu'ils répugnent à faire), car, comme nous l'avons vu, l'une des causes majeures du doute, c'est la circulation rapide de quantité d'informations (souvent contradictoires) que les médias ne vérifient jamais. L'implication de l'ISI dans le 11-Septembre, affirmée de manière tout à fait catégorique par certains médias de renom dans le monde, dontFrance Inter, mais ignorée totalement par la grande majorité des autres, en est un exemple parfait - qui laisse les journalistes citoyens dans l'embarras, sans en faire des "conspirationnistes".
Car, contrairement à ce que Taverne proclamait dans un très bon article publié le 5 mai sur AgoraVox et à ce que certains pseudo journalistes voudraient lui faire croire, il n'est pas un "complotiste", seulement un citoyen qui daigne encore raisonner, refuse l'infantilisation devenue coutumière dans les médias, et même la psychiatrisation du débat avec cette utilisation de plus en plus systématique du néologisme "conspirationniste" (qui bien souvent conduit les gens au silence). Il le dit d'ailleurs lui-même très bien en conclusion de son article : "Je suis un citoyen pensant qui réclame simplement la transparence et la vérité. Je veux qu'on l'on s'adresse à mon intelligence et à ma bonne volonté. Pas à ma foi de crédule." Les journalistes-inqusiteurs demandent aux petits enfants que nous sommes à leurs yeux de croire, en effet, d'avoir la foi - foi dans les gouvernements, le messie Obama, et eux-mêmes bien sûr. Mais leurs injonctions n'y changeront rien : nous n'avons plus la foi, et n'avons pas vocation à la retrouver.
Internet change la donne, il aiguise l'esprit critique, plonge 
les médias traditionnels dans un grand bain d'acide, sous le regard de milliers de citoyens en éveil (plus ou moins capables, plus ou moins raisonnables), qui aspirent à prendre en commun le contrôle de l'information qui modèlera de manière décisive leur conscience. Sans sombrer dans le doute hyperbolique et fou, chaque journaliste citoyen reçoit désormais, comme il se doit, toute information avec méfiance et, par le travail collaboratif - dans lequel, tôt ou tard, les médias devront rentrer (sous peine d'être disqualifiés) - tente d'y voir plus clair. L'ère médiatique que nous quittons était celle de la croyance et de la simplicité (trompeuse), celle qui s'est ouverte avec le Web 2.0 est celle du raisonnement collectif et d'une incertitude certes accrue, mais consciente d'elle-même, et qui ouvre la voie, on peut l'espérer, à une démocratie adulte.
Nous renouons ici avec de grands idéaux de la période révolutionnaire. Ainsi, le Cercle social, un club autour duquel gravitent en 1790-1791 des figures comme Brissot, Condorcet ou Lanthenas, se propose d'être l'agent d'une "vigilance inquiète et journalière". Dans un de ses premiers manifestes, le Cercle social écrit : "Le pouvoir de surveillance et d'opinion (quatrième pouvoir censorial, dont on ne parle point) en ce qu'il appartient également à tous les individus, en ce que tous les individus peuvent l'exercer eux-mêmes, sans représentation, et sans danger pour le corps politique, constitue essentiellement la souveraineté nationale". Pierre Rosanvallon, dans La contre-démocratie, écrit à ce titre : "Veiller, être en état d'alerte, être sur ses gardes sont des attributs essentiels de la citoyenneté" (p. 39). Et le philosophe Alain, dans ses Propos sur les pouvoirs, ne proposait-il pas cet idéal d'un citoyen méfiant ? "Je voudrais que le citoyen restât inflexible de son côté, inflexible d'esprit, armé de défiance, et toujours se tenant dans le doute quant aux projets et aux raisons du chef" (Alain, Propos sur les pouvoirs, Paris, Gallimard, "Folio", 1985, p. 161). Alain eut-il été traité de "conspirationniste" aujourd'hui ?
Les médias, relais aveugles de la propagande
Nos médias sont incorrigibles, ils n'apprennent pas de leurs erreurs passées. Trompés régulièrement par les gouvernements, ils continuent sans moufter de relayer leur propagande... avant, au bout de quelques années, de faire parfois leur mea culpa. Chacun a en mémoire la campagne inouïe de propagande au sujet des armes de destruction massives irakiennes, dont quasi tous les médias se sont faits les complices, avant de reconnaître leur aveuglement.
On se souvient que Tony Blair avait accusé de "conspirationnisme" tous ceux qui prétendaient que la guerre en Irak avait le moindre rapport avec la volonté de tirer profit du pétrole de ce pays ; les médias se rangeaient majoritairement derrière le Premier ministre britannique... jusqu'à ce que, très récemment, ne sortent les preuves irréfutables qui conduisirent certains médias à 
réajuster leur discours. Ainsi, Slate se faisait-il, le 19 avril 2011, le relai des révélations du quotidien britannique The Independent :
"Une « guerre pour du pétrole », pour les deuxièmes plus grosses réserves d’or noir au monde : cette image à laquelle est associée l’invasion alliée en Irak en 2003 se révèle partiellement confirmée par le quotidien britannique The Independent, qui dévoile des documents gouvernementaux selon lesquels Londres a discuté les sujets énergétiques avec les majors du secteur avant l’opération. Des pièces obtenues grâce à une demande faite au nom du Freedom of Information Act par l'activiste Greg Muttitt. [...] The Independent rappelle que Shell avait décrit en 2003 des informations faisant état de discussions avec le gouvernement de « hautement erronées », que BP avait démenti tout « intérêt stratégique » en Irak et que Tony Blair avait estimé que la « théorie du complot pétrolier » était « la plus absurde qui soit ». Le quotidien évalue aujourd’hui à plus de 400 millions de livres sterling (450 millions d’euros) le profit annuel réalisé dans le champ pétrolier de Rumaila par BP et le chinois CNPC, qui y ont une entreprise commune."
L'histoire de ces manipulations, complaisamment relayées par les médias, serait trop longue à faire ici, et nous renvoyons à l'excellent article d'Ignacio Ramonet "Mensonges d'Etat", publié en juillet 2003 dans Le Monde diplomatique (j'en recommande fortement la lecture). S'y trouve évoquée l'officine secrète au sein du Pentagone, le Bureau des plans spéciaux (Office of Special Plans, OSP), qui joua un rôle déterminant dans la "gigantesque manipulation" précédant la guerre en Irak. Ramonet insiste bien sur la responsabilité écrasante des médias dans la réussite de cette opération. L'ancien directeur du Monde Diplo met bien en évidence que la manipulation de l'opinion publique fait partie intégrante de la politique américaine :
Depuis la victoire controversée de M. Bush à l’élection présidentielle de novembre 2000, la manipulation de l’opinion publique est devenue une préoccupation centrale de la nouvelle administration. Après les odieux attentats du 11 septembre 2001, cela s’est transformé en véritable obsession. M. Michael K. Deaver, ami de M. Rumsfeld et spécialiste de la psy-war, la « guerre psychologique », résume ainsi le nouvel objectif : « La stratégie militaire doit désormais être pensée en fonction de la couverture télévisuelle [car] si l’opinion publique est avec vous, rien ne peut vous résister ; sans elle, le pouvoir est impuissant. »
Dès le début de la guerre contre l’Afghanistan, en coordination avec le gouvernement britannique, des centres d’information sur la coalition furent donc créés à 
Islamabad, Londres et Washington. Authentiques officines de propagande, elles ont été imaginées par Karen Hugues, conseillère médias de M. Bush, et surtout par Alistair Campbell, le très puissant gourou de M. Blair pour tout ce qui concerne l’image politique. Un porte-parole de la Maison Blanche expliquait ainsi leur fonction : « Les chaînes en continu diffusent des informations 24 heures sur 24 ; eh bien, ces centres leur fourniront des informations 24 heures par jour, tous les jours... »
Le 20 février 2002, le New York Times dévoilait le plus pharamineux projet de manipulation des esprits. Pour conduire la « guerre de l’information », le Pentagone, obéissant à des consignes de M. Rumsfeld et du sous-secrétaire d’Etat à la défense, M. Douglas Feith, avait créé secrètement et placé sous la direction d’un général de l’armée de l’air, Simon Worden, un ténébreux Office de l’influence stratégique (OIS), avec pour mission de diffuser de fausses informations servant la cause des Etats-Unis. L’OIS était autorisé à pratiquer la désinformation, en particulier à l’égard des médias étrangers. Le quotidien new-yorkais précisait que l’OIS avait passé un contrat de 100 000 dollars par mois avec un cabinet de communication, Rendon Group, déjà employé en 1990 dans la préparation de la guerre du Golfe et qui avait mis au point la fausse déclaration de l’« infirmière » koweïtienne affirmant avoir vu les soldats irakiens piller la maternité de l’hôpital de Koweït et « arracher les nourrissons des couveuses et les tuer sans pitié en les jetant par terre  ». Ce témoignage avait été décisif pour convaincre les membres du Congrès de voter en faveur de la guerre...
Officiellement dissous après les révélations de la presse, l’OIS est certainement demeuré actif. 

A l'heure qu'il est, aucune information digne de ce nom, c'est-à-dire vérifiée, n'a pu être apportée qui prouverait que Ben Laden a bel et bien été tué le 1er mai 2011 par les Navy Seals. Et, à défaut d'information, on offre du spectacle, qui vient recouvrir l'absence d'information. Régis Soubrouillard déplore "cette tendance à produire de la communication (mort annoncée de la femme de Ben Laden, photo de Ben Laden, disparition du cadavre, superficie et valeur de sa maison, interview des voisins, etc. ), du spectacle avant d’avoir accès à de « véritables » informations, vérifiées, recoupées, validées. Qui seront elles aussi d’ailleurs toujours sujettes à caution. Faute d'informer on amuse la galerie". Et le journaliste deMarianne de citer Guy Debord dans La société du spectacle : « Le secret généralisé se tient derrière le spectacle, comme le complément décisif de ce qu’il montre. Le gouvernement du spectacle, qui à présent détient tous les moyens de falsifier l’ensemble de la production aussi bien que de la perception, est maître absolu des souvenirs ».
Pour rappel, voici ce que relatait Ron Suskind, ancien éditorialiste au Wall Street Journal et auteur de plusieurs enquêtes sur la communication de la Maison Blanche, d’une conversation qu'il avait eue en 2002 avec un responsable politique américain de haut niveau, probablement Karl Rove :
« Il m’a dit que les gens comme moi faisaient partie de ces types “appartenant à ce que nous appelons la communauté réalité” [the reality-based community] : “Vous croyez que les solutions émergent de votre judicieuse analyse de la réalité observable.” J’ai acquiescé et murmuré quelque chose sur les principes des Lumières et l’empirisme. Il me coupa : “Ce n’est plus de cette manière que le monde marche réellement. Nous sommes un empire maintenant,poursuivit-il, et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez cette réalité, judicieusement, comme vous le souhaitez, nous agissons à nouveau et nous créons d’autres réalités nouvelles, que vous pouvez étudier également, et c’est ainsi que les choses se passent. Nous sommes les acteurs de l’histoire. (...) Et vous, vous tous, il ne vous reste qu’à étudier ce que nous faisons”. »
Christian Salmon, auteur de Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, commente ces propos sidérants : "Ils affichent une nouvelle conception des rapports entre la politique et la réalité. Les dirigeants de la première puissance mondiale se détournent non seulement de la realpolitik, mais aussi du simple réalisme, pour devenir créateurs de leur propre réalité, maîtres des apparences, revendiquant ce qu’on pourrait appeler une realpolitik de la fiction."
La dernière réécriture de l'histoire sera la bonne...
Ne tirant pas les leçons du passé, et sans la moindre information authentifiée, les médias du monde entier se sont pourtant amusés ces derniers jours à produire des reconstitutions de l'assaut contre Ben Laden en images de synthèse, en bons petits soldats de la propagande qu'ils ont toujours été :
Comme différentes versions de l'assaut ont été données, on trouve logiquement différentes versions de ces petits films animés : certains montrent Oussama Ben Laden tirant sur les soldats américains avant de se faire refroidir, d'autres le montrent planqué derrière sa femme, qui se fait trucider à cause de lui... Les versions de la presse les plus actualisées, le décrivant désarmé, n'ont bizarrement pas donné lieu à des jeux vidéos... La toute dernière, émanant de sa fille de 12 ans, ventriloquée par un agent des services de sécurité pakistanais, fait même un peu désordre, puisqu'elle affirme que Ben Laden aurait été capturé vivant, fait prisonnier, avant d'être liquidé froidement. Pire : "Un responsable pakistanais a rejeté la 
version américaine décrivant un combat sanglant : « Pas une seule balle n'a été tirée de la résidence en direction des forces américaines. Leur hélicoptère a rencontré une panne technique, s'est écrasé et l'appareil a été laissé sur place ». [...] L'armée américaine a reconnu ne pas avoir trouvé d'armes dans la résidence". Cette dernière version (avant la prochaine) est surréaliste : elle indique que les soldats américains auraient commis un massacre, face à des hommes sans défense. Il est vrai que sur les seules photographies du carnage rendues publiques par Reuters, on n'aperçoit qu'un pistolet à eau orange et vert... 
Une telle cacophonie dans les versions de l'assaut est peu compréhensible si l'on se souvient que le président des Etats-Unis était censé le regarder en direct, et que les combattants au sol étaient censés filmer leurs actions avec des caméras fixées sur leurs casques ; mais cette version initiale est (on pouvait s'y attendre) en train de changer : le directeur de la CIA Leon Panetta a en effet révélé, le 6 mai, que les caméras qui filmaient toute la scène ont été coupées durant les 25 minutes du raid à l'intérieur de la maison de Ben Laden. C'est vraiment pas de bol...
Le Monde prend acte des variations déroutantes dans le discours des autorités américaines...
Lundi, version 1 : Ben Laden vivait dans une luxueuse villa évaluée à 1 million de dollars. Il aurait été tué lors d'un échange de tirs nourris, et il aurait utilisé une femme, la sienne, comme bouclier humain, qui aurait également été tuée. Mardi, version 2 : Ben Laden n'était pas armé, et n'a pas utilisé sa femme comme bouclier : elle s'est jetée au devant des assaillants. Elle n'est pas morte mais blessée à la jambe. Mercredi, version 3 : il n'y a pas eu d'échange de tirs. Seul un des messagers de Ben Laden, qui vivait dans la villa, a ouvert le feu dans les premières minutes de l'attaque et a été rapidement abattu. Il est le seul résident à avoir tiré sur les commandos.
... mais c'est pour mieux stigmatiser ces fameux "conspirationnistes", autrement dit, nous tous, dans la mesure où nous n'avons n'a pas encore complètement renoncé à utiliser notre cerveau : "la mémoire collective oublie, la plupart du temps, les cafouillages initiaux pour ne retenir que l'ultime version officielle. Sauf bien sûr chez les adeptes des théories du complot". Bel éloge de l'oubli collectif, qu'Internet rend heureusement obsolète... Pour Le Monde, les versions successives d'un événement relèvent nécessairement du cafouillage - naïveté confondante - et la version ultime donnée par les autorités est toujours la bonne ; il n'y a donc qu'à attendre sagement (sans enquêter), et la lumière céleste finira par descendre sur terre, par la grâce des storytellers de la Maison Blanche. Amen. 
Pourtant, rien n'est moins sûr. Ainsi, la version officielle - qui ne varie pas pour le moment et que tous les médias répercutent - concernant la façon dont les Américains seraient remontés jusqu'à Ben Laden, nous parle d'un "messager" du chef d'Al Qaïda qui aurait été repéré par les Américains, suite aux révélations d'un détenu de Guantanamo (la prison et ses interrogatoires musclés se trouvant de la sorte justifiés). Or, pas plus tard que le 3 mai, sur le plateau de C dans l'air, trois spécialistes, Alexandre Adler, Gérard Chaliand et Frédéric Pons, affirment que, de toute évidence, cette version relève de la "légende", c'est-à-dire qu'il s'agirait d'un mensonge, certes pas très éloigné de la vérité, mais qui permettrait de cacher une réalité qu'on ne souhaite pas dévoiler ; en l'occurrence, d'après nos trois observateurs, que ce sont les Pakistanais qui auraient accepté de livrer Ben Laden aux Américains, en échange de garanties concernant l'avenir de l'Afghanistan. Si Le Monde nous incite à croire la dernière parole officielle, d'autres préfèrent tout de même nous mettre en garde.
L'information manquante
Depuis l'annonce de la mort d'Oussama Ben Laden le 2 mai, je me pose une question, et une seule en vérité, qu'aucun média ne semble se poser. Elle est pourtant évidente, et pourrait bien briser la "légende" qu'on est en train de nous concocter. Comment diable Ben Laden a-t-il pu survivre durant presque dix ans dans la clandestinité en devant, chaque semaine, subir plusieurs dialyses ? Cherchez bien ce qu'en disent les médias : rien, nada, que dalle. 20 Minutes consacre bien un article à la manière dont Ben Laden vivait dans sa résidence d'Abbottabad ; mais si l'on nous parle bien de ses shampoings, de ses sodas américains ou de ses ordures ménagères, pas un mot sur un quelconque appareil de dialyse retrouvé dans l'enceinte de sa vaste demeure.
Seul le journaliste Richard Labévière a évoqué ce problème, mais sans aller au bout de la réflexion qu'il doit susciter: 


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Labévière nous apprend que Ben Laden n'avait plus qu'un rein et était sous dialyse depuis 1985. Ses problèmes de santé, notamment rénaux, sont connus depuis longtemps : alors qu'en janvier 2002, le président pakistanais Pervez Musharraf avait annoncé la mort probable du chef d'Al Qaïda, un membre de l’administration Bush avait renchéri en confiant qu'il avait besoin d’une dialyse tous les trois jours (même si d’autres officiels américains ne voyaient dans ces problèmes rénaux qu’une "rumeur récurrente"). Le 28 janvier 2002, CBS avait rapporté que, le 10 septembre 2001, Ben Laden se faisait soigner dans un hôpital militaire à Rawalpindi pour une dialyse des reins, escorté par l’armée pakistanaise. Le 2 juillet 2001, un 


quotidien indien affirmait que "Ben Laden, qui souffre de déficience rénale, a régulièrement été placé sous dialyse dans un hôpital militaire de Peshawar alors que l’Inter-Services-Intelligence (ISI) en avait connaissance et l’approuvait, voire avec l’accord [du président pakistanais] Musharraf lui-même". La lettre d’information Jane’s Intelligence Digest du 20 septembre 2001 allait dans le même sens : "Les autorités pakistanaises ont apporté des soins médicaux au souffrant Ben Laden, notamment des dialyses rénales, dans un hôpital militaire de Peshawar." Et l’on se souvient du fameux séjour de Ben Laden à l’hôpital américain de Dubaï, du 4 au 14 juillet 2001, dans le département d’urologie du Dr Terry Callaway, spécialiste des calculs rénaux, où il avait reçu la visite, le 12 juillet, du chef d’antenne locale de la CIA, Larry Mitchell (Le FigaroRFI).
"Réfléchissez-y un peu, nous demande Paul Craig Robertssous-secrétaire au Trésor dans l'administration Reagan. Quelles sont les chances qu’une personne souffrant d’une maladie des reins demandant une dialyse quotidienne, étant de plus affligée de diabète et d’une basse tension artérielle, puisse survivre dans des cachettes montagneuses pendant une décennie ?" Et si Ben Laden a bel et bien vécu à Abbottabad durant cinq ans jusqu'au 1er mai 2011, comment a-t-il bien pu suivre des soins aussi astreignants ? Le site Doctissimo nous éclaire quelque peu sur le caractère contraignant d'une dialyse :
On distingue deux grands types de dialyse.
L’hémodialyse ou filtration externe

Si l'hémodialyse est choisie, le patient doit se rendre trois fois par semaine dans un établissement de soins public ou privé (le plus souvent), ou dans une unité de dialyse médicalisée, ou encore une unité d'autodialyse ou d'autodialyse assistée (pour des malades plus autonomes et formés à la technique). Plus rarement certains patients suivront leur traitement à son domicile. Cette technique impose un "accès vasculaire permanent" ou fistule artéro-veineuse, généralement au niveau du bras. Elle est créée chirurgicalement en connectant une artère et une veine du bras. [...]

La dialyse péritonéale

Contrairement à l’hémodialyse, la dialyse péritonéale est pratiquée le plus souvent par le patient lui-même à son domicile. Elle ne nécessite pas d’appareillage très sophistiqué mais un apprentissage cependant rigoureux. Elle utilise les capacités naturelles de filtration du péritoine (une membrane qui enveloppe l’intérieur de la cavité abdominale et le tube digestif). Une intervention chirurgicale est nécessaire afin de mettre en place un cathéter en plastique souple dans l’abdomen. Lors de la dialyse, c’est via ce cathéter que le liquide de dialyse (ou solution fraîche) est injecté dans la cavité péritonéale. C’est par là ensuite que le liquide chargé de déchets (ou dialysat) et la surcharge en eau sera drainée hors de l’organisme.
La première technique "nécessite de passer 4 à 6 heures plusieurs fois par semaine dans un centre de dialyse" ; "les malades consacrent près d’un tiers de leur temps d’éveil à leur traitement". Concernant la deuxième technique, elle "nécessite chez soi un emplacement suffisant pour stocker le matériel et les solutés nécessaires." "Certaines personnes supportent mal l’idée d’un tuyau qui sort de leur ventre mais qui est nécessaire pour cette technique", précise encore Doctissimo.
Ben Laden avait-il un tuyau qui sortait de son ventre ? C'eut été facile à vérifier si le corps avait été rendu disponible. Sa maison abritait-elle un appareil de dialyse ? Ce ne semble pas difficile à vérifier, et personne, pour


l'heure, n'en a fait état. Il est probable donc que la réponse soit non. D'ailleurs, à en croire le témoignage d'un habitant du quartier de Bilal Town, aucun médecin ne venait jamais dans cette maison : "Aucun médecin ne leur rendait visite, selon lui, alors que l'on disait Ben Laden malade des reins au point d'être sous dialyse", remarque-t-on dans Le Parisien. Autant dire que la probabilité que Ben Laden ait effectué ses soins à domicile apparaît pour le moment faible.
S'est-il donc rendu plusieurs fois par semaine dans un hôpital pour y être traité ? A en croire l'une des femmes de Ben Laden, Amal al-Sadah, qui se serait confiée aux enquêteurs pakistanais, "le chef d’Al-Qaïda n’avait pas quitté sa dernière résidence pakistanaise une seule fois au cours des cinq dernières années". Elle précise même qu'il aurait vécu uniquement dans deux pièces (sur six) de la maison, situées au même étage. Ce témoignage est évidemment sujet à caution, mais si on le prend un instant au sérieux, il faudrait exclure l'idée que Ben Laden soit très régulièrement sorti à l'extérieur pour se faire soigner, alors même que sa survie l'exigeait.
Si l'on récapitule : Ben Laden est sous dialyse depuis 1985, il vit dans la clandestinité depuis dix ans (poursuivi, nous dit-on, par la plus puissante armée du monde) ; depuis cinq ans il vivait enfermé dans deux pièces d'une maison quasiment vide, d'où il ne sortait jamais, et où aucun médecin ne rentrait non plus.Question : comment s'est-il soigné ? comment a-t-il pratiqué ses deux ou trois dialyses hebdomadaires ?
Quatre possibilités : 1° Ben Laden bénéficiait d'un matériel dans sa maison dont personne n'a encore parlé ; 2° il était très régulièrement escorté par les services secrets pakistanais dans un hôpital pour bénéficier de ses soins éprouvants ; 3° il est mort depuis déjà bien longtemps, comme l'ont prétendu diverses sources : le FBI (qui, en juillet 2002, ne parlait certes que de mort "probable"), le journaliste iranien Amir Taheri dans le New York Times, plus catégorique, qui précisait que la mort remontait à décembre 2001 et que le chef d'Al-Qaïda était enterré dans les montagnes du sud-est de l'Afghanistan,Steve R. Pieczenik, vice-assistant au secrétaire d’Etat américain sous les administrations Nixon, Ford et Carter, qui prétend que Ben Laden est mort du syndrome de Marfan peu après le 11-Septembre à Tora Bora, ou encore un important officiel taliban, qui affirmait, le 26 décembre 2001, que le Saoudien étaitmort, naturellement et calmement, dix jours auparavant, des suites de graves problèmes pulmonaires (compatibles avec le syndrome de Marfan), ajoutant même qu'il avait assisté à ses funérailles ; 4° Ben Laden n'a jamais été malade des reins et n'a jamais eu besoin de dialyse - tout ceci n'était qu'une rumeur.
Nous attendons avec impatience que cette question fondamentale soit enfin soulevée, une semaine après l'annonce de la mort de "l'homme le plus recherché du monde", et de préférence avant que le flot impétueux de l'information n'emporte définitivement le fantôme Ben Laden dans l'oubli collectif dont certains rêvent... mais qui, à l'heure d'Internet et des citoyens vigilants, n'est plus qu'un vain espoir. Nous n'oublierons rien.


par Taiké Eilée sur AGORAVOX